Les Petites Jupes de Prune

J’ai voulu voir ce qu’il se cachait sous les jupes de Prune. Tout – ou presque – est dans le nom ; “Les petites jupes de Prune” est une jeune marque de jupes confectionnées artisanalement, lancée en 2012 par Prune Boidin. Prune aime les apéros entre amis, le soleil, les mois d’été, la consommation locale et elle raffole des jupes ! Elle vient de s’installer dans un nouvel atelier ; c’est à cette occasion que je suis allée la rencontrer.

“Plus jamais je ne tiendrai une aiguille !”

Prune a le sourire jocondesque qui dessine de délicates fossettes au coin de ses lèvres, elle a les cheveux couleur mirabelle, Prune, et une sacrée détermination dans le regard. De fil en aiguille, la jeune femme est passée d’un statut de freelance où elle chassait les tendances pour un cabinet spécialisé, à entrepreneure dans le domaine de l’artisanat. Formée à la Chambre syndicale de la couture parisienne, elle avait pourtant déclaré avec assurance après sa collection de fin d’année, des ampoules plein les doigts : “Plus jamais je ne tiendrai une aiguille !”. L’Avenir a du bien se marrer !

Pour assurer ses arrières et rassurer son banquier, Prune décide de lancer sa marque en parallèle de son activité de consultante. “En tant qu’indépendant, tu ne sais jamais si tu vas avoir des missions. Du coup, j’ai voulu pallier ce problème en lançant ma propre marque.” Je pourrais vous dire que l’idée des petites jupes de Prune a été le fruit d’une révélation au cours d’une retraite méditative dans le désert du Sahara, ou le résultat d’un brainstorming après un bench’ sur la strategic line à adopter, mais l’idée est survenue après un épisode plus “franchouillard” : un apéro arrosé entre amis. Le soir même, Prune achète les étiquettes. C’était en mai 2012. Trois années de jonglage et Les petites jupes de Prune ne cessent de grandir. La créatrice décide alors de se consacrer entièrement à cette activité.

Du salon de son appartement, à une chambre de bonne de 7m2, en passant par un 12m2, la voici dorénavant installée dans un atelier de 40m2. Il faut battre le pavé quelques pas dans une charmante cour de la rue Greneta pour y accéder. On effleure le coeur de la rue Montorgueil qui bat au rythme cardiaque d’un sprinter. Si la cour me permet de reprendre mon souffle, à mon entrée dans l’atelier, y a du sport ! Je surprends Prune et sa complice, Cynthia, en pleine séance de tir à la corde. Située chacune de part et d’autre d’une bande de tissu rose bonbon, les deux jeunes femmes, pieds bien ancrés au sol, éprouvent la musculature de leurs triceps.

“Je ne peux pas leur payer un voyage aux Antilles, mais je veux les rendre heureuses.”

Le ciel s’éclaircit dans l’atelier de Prune ; un bureau bleu des mers du sud, des chaises jaunes soleil, et partout sur les portants, de la couleur. On ne va pas chez Prune pour acquérir une petite jupe noire basique. Ses jupes  ont de l’audace et de la fantaisie. Prune aime nous faire sentir à la plage en plein Paris. “Je ne peux pas leur payer un voyage aux Antilles, mais je veux les rendre heureuses.” lit-on sur son site internet. Mais pourquoi spécialement les jupes ? Souffrirait-elle d’une monomanie conférant à la psychose fétichiste ? La réponse est plus pragmatique. “La jupe est un vêtement que tu peux confectionner avec n’importe quel tissu. C’est un formidable terrain de jeu.” m’explique la créatrice. Dans son atelier-cours-de-récré, Prune s’amuse comme une enfant. Il y en a des grandes plissées et des courtes à poche. Des en wax, en brocard, en cachemire, des à paillettes, en jersey, et en cuir. Elles ont l’air sage, les jupes de Prune, alignées sur leur portant. C’est quand elles se glissent autour de votre taille qu’elles s’enhardissent. Elles prennent soudainement possession de vos gambettes pour vous faire virevolter, comme ça, pour le plaisir de retrouver les joies de l’enfance.

Alors qu’elle coupe des tissus de dentelle blanche pour sa collection mariage, “Les mariés de Prune”, une paire de ciseaux à la main, la créatrice me raconte que ce qu’elle aime, c’est la recherche des matières. “Une à deux fois par semaine, je pars dans le Sentier pour dénicher des tissus. Ils proviennent de chutes d’enseignes du prêt-à-porter ou de grandes maisons de couture parisiennes.” Et quand elle part en voyage, Prune embarque toujours avec une seconde valise. Vide. A l’aller seulement…. “C’est mon mec qui est content de revenir avec 30 mètres de tissus !” s’amuse-t-elle. Pour dégoter les bonnes matières, Prune fonctionne au toucher et au coup de coeur, mais elle avoue que “il faut un bon oeil sur la qualité des matières et un sens des tendances.” Elle est toujours en quête du bestseller, “pas tant pour l’argent que pour le plaisir d’avoir parié sur le bon tissu.” précise-t-elle.

Pour confectionner ses jupes, Prune dessine ses modèles, en créée le prototype d’une taille sur un patron qu’elle transmet à un modéliste. Ce dernier le digitalise et le grade sur toutes les tailles. Ainsi, Prune coupe tous ses modèles en suivant un patron. Les pièces de tissus sont mises entre les mains d’Hassan, un couturier du quartier avec lequel la jeune femme travaille depuis ses débuts. Ses jupes accordéon, quant à elles, sont plissées par un artisan plisseur parisien. “Pour moi, il est indispensable de défendre le fait main et une production locale. Pourquoi faire appel à des confectionneurs étrangers quand on a les savoir-faire à portée de main à Paris ?” Prune espère défendre des valeurs éthiques, entrepreunariales et participer à ce que le commerce de demain rime avec local.

 

Qui a dit que la mode était superficielle ?