Dodo Toucan, créations en céramique

Paris compte des rues rieuses. Des rues ensoleillées, même par temps gris. Leurs devantures chamarrées sont un pied de nez à la conformité de leurs consoeurs qui font grises mines. C’est dans l’un de ses bastions colorés que j’ai rendez-vous pour serrer la main de Sara Théron, céramiste et créatrice de Dodo Toucan. Je remonte l’arc en ciel de la rue Sainte-Marthe où elle vient d’installer son atelier-boutique. Une adresse haute en couleurs où se niche un drôle d’oiseau.

Une devanture orange citrouille, une bleue électrique, une rose bonbon. J’arrive à hauteur de celle du numéro 11 de la rue qui affiche un bleu aigue marine. C’est dans ses eaux claires que Sara Théron vient d’amarrer son navire. J’entre à pas de loup dans l’Arche de Sara, pour ne pas effrayer la faune qui y a trouvé refuge. Sara lève ses grands yeux bleus sur moi. Elle a une allure juvénile et un teint de porcelaine.

Elle est en train de ranger les animaux en céramique. Loups, pingouins, tigres, oiseaux, tout ce petit monde à poils et à plumes co-existent en harmonie. Entrer dans l’univers de Dodo Toucan, c’est un peu comme ouvrir un livre de conte pour enfant. Chaque étagère est la page d’un livre que l’on tourne et qui nous raconte une histoire. “J’aime les positionner pour qu’ils racontent une histoire. Je ne veux surtout pas qu’ils soient alignés.” Ici, un pingouin fait du toboggan sur un iceberg sous l’oeil circonspect d’un ours polaire, là, une meute de renard apprivoise un bébé tigre…

“Ca a été un déclic pour me lancer”

Diplômée des Arts Déco de Paris, Sara ne se destinait pas à devenir céramiste. Au cours de ses études, elle effectue un stage dans la jolie boutique de la créatrice spécialisée en papiers japonais Adeline Klam. Elle l’aidera a développer la marque pendant 5 ans. Avec des copains, elle s’inscrit à un cours du soir de céramique. “J’ai toujours été manuelle, mais dans mon travail, je ne retrouvais pas cet aspect. C’est quand je me suis mise à faire de la céramique que je me suis rendue compte à quel point ça me manquait.” Elle aime tellement ça que la jeune femme achète un four avec ses amis qui squattera un an dans la maison familiale de Sara. Le temps pour elle de tester en loisir toutes ses envies. “Au début, la moitié de ce qui sortait du four était ébréché !”, me dit-elle sur un ton amusée. Elle crée instinctivement. Au fil du temps, son identité prend forme. La nature est le dénominateur commun de toutes ses créations. “Au bout d’un an, j’ai trouvé ce que je savais faire.” Sara participe alors à une vente. C’est la révélation : ce qui plaît, ce sont ses animaux. “Ca a été un déclic pour me lancer.”

“Je veux mettre de la poésie dans le quotidien”

“Le champs des possibles est très large dans la céramique, c’est ce qui m’a plu.” m’avoue-t-elle alors qu’elle peint la fourrure jaune d’un tigre. Du jaune, de l’orange, du bleu, du vert… sur la table de son atelier-boutique, des pots de peinture attendent de donner leur teinte aux pelages d’animaux “J’ai commencé à vraiment m’éclater quand j’ai réussi à maîtriser les couleurs.” Pour elle, la couleur n’est pas secondaire. C’est une affaire sérieuse, pour mieux s’amuser. Des animaux colorés aux traits naïfs que Sara créent dans l’intention de “mettre de la poésie” dans le quotidien. “J’aime bien quand les gens me racontent comment ils ont installé l’animal chez eux.” Son rêve ? Que l’acheteur investisse l’animal d’une valeur sentimentale.

“C’est important de voir la trace de la main”

Sur les étagères s’aligne un bataillon d’animaux en train de sécher avant d’être peint, puis passer au four. Tout est façonné à la main “C’est important que l’objet ne soit pas parfait, qu’on y voit la trace de la main.” Je l’observe donner forme à une panthère. Ses doigts connaissent les mouvements par coeur. “C’est toujours compliqué de faire de nouveaux animaux parce qu’il faut que je réapprenne tous les gestes.” Les façonner, c’est un peu comme jouer à la pâte à modeler. Elle pince la terre, l’allonge pour former les pattes, puis lisse la matière comme si elle caressait le pelage de la panthère. Dix jours de séchage seront nécessaires avant qu’elle ne soit poncée, puis peinte. Ensuite, l’animal prend un bain dans une rivière d’émail “C’est ce qui va donner l’aspect brillant et transparent à l’objet.” Toutes les parties blanches ne seront pas peintes. “C’est quelque chose qui étonne toujours les personnes qui viennent aux ateliers que j’organise : la terre, grise au départ, va blanchir à la cuisson.” Elle reprend un morceau de terre. Ses mains refont la même chorégraphie. Elle va consacrer la matinée à cette danse. “Y a un truc super profond à être concentré sur ce que tu fais dans le moment présent.”

Il est l’heure pour moi de quitter l’univers coloré et enfantin de Dodo Toucan. Je repars comme je suis venue. A pas de loup…